Bah bravo, c'est malin! [Sora]

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Pour un temps pourri, ça c’était un temps pourri.
Depuis près de deux jours, il tombait sans discontinuer un horrible crachin humide et collant, qui rendait le sol glissant sous les pas. La température avait chuté de plusieurs degrés, et l’éther était plombé de nuages d’un gris cendré. Aoto était d’un naturel spontané, joyeux et dynamique; cependant, rien ne le déprimait plus que le mauvais temps. Et en ce jour pluvieux, il se surprenait à regretter avec plus de nostalgie qu’il ne l’aurait dû les belles journées chaudes et claires de l’été.
Une flemme monstrueuse s’était emparée de lui dès son réveil et il travaillait aujourd’hui avec une lenteur considérable, buvant thé sur thé sans parvenir à se bouger plus que ça. Son bureau était recouvert d’une tonne de paperasses qu’il s’efforça de trier alors que la pluie redoublait, martelant les vitres d’un fracas continu et désespérant.

Dans la matinée, il acheva de remplir un dossier sur lequel il bossait, puis le tout dernier qu’on lui avait remis atterrit dans ses mains. Il était en retard, et aurait tout juste le temps de le consulter avant de recevoir le jeune homme en question pour un entretien. Aoi s’installa confortablement dans le canapé de la salle des psychologues pour le feuilleter à tête reposée et regarda le nom qui s’affichait en gros idéogrammes sur le papier kraft. Yuusami, Sora. Un jeune qu’il ne connaissait pas mais apprendrait à connaître, puisqu’à présent il l’avait à charge et il lui incombait la responsabilité d’évaluer si, oui ou non, son patient était suffisamment saint d’esprit pour reprendre la vie active à sa sortie du centre.

**Ca devient la routine, mais j’espère que je pourrais continuer sans jamais échouer**

Il ouvrit le dossier. La première chose qu’il vit fut la photo d’identité de son «patient»; un très beau jeune homme aux traits fins et aux yeux havanes, encadrés de cheveux mi-longs qui rasaient presque ses épaules; mais malgré on visage agréable, il ne souriait pas. Le psy s’apprêta à se plonger véritablement dans la suite du dossier quand son téléphone cellulaire sonna, répandant dans la pièce déserte une sonnerie de visual kei.
Aoto répondit; il s’agissait d’un de ses collèges qui désirait lui remettre des documents. Décidant de s’accorder une petite pause, puisque de toute façon le mauvais temps ne le rendait pas enclin du tout à travailler, le psy prit le dossier du jeune Yuusami sous son bras, se leva et sortit de la salle, parcourant les couloirs pour finalement récupérer ce que son collègue avait à lui donner. Il pleuvait toujours et, sur le chemin du retour, Aoi était plongé dans ses pensées. Il parcourait les couloirs les mains dans les poches, quand son corps percuta une masse solide, le projetant de quelques centimètres en arrière et faisant voler le dossier dont les feuillets s’éparpillèrent à terre.

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La pluie. Il n’y avait rien de tel pour démoraliser un peu plus le jeune homme. Il détestait le mauvais temps. C’est vrai, il n’y a rien de tel pour emmerder les gens, enfin, de son point de vue. Non pas qu’il n’aimait pas la pluie, mais alors il faisait froid, ça salissait les vêtements et puis ça retirait toute envie de sortir dehors. Alors, Sora était resté dans sa chambre. Il était allongé sur son lit, à écouter son lecteur MP4 tranquillement. Son colocataire n’était pas là, et puis de toute façon, il n’avait pas envie d’avoir de la compagnie et surtout de parler. Mais il fut sortit de son moment de flemme par la petite sonnette de la chambre. Râlant, il se leva et s’approcha de la porte. Il l’ouvrit, et vit une jeune fille, souriante. Il la dévisagea un instant, sans expression particulière, et attendit. Alors, elle lui expliqua qu’il devait allez voir le psychologue de l’établissement, comme tous les nouveaux. Il soupira, et ferma la porte, sans lui adresser un mot. Un psy ?! Super…

Allant se changer, il constata que la jeune fille que lui avait ni donner le nom de l’homme, ni sa description physique ni là où il pouvait le trouver. A croire que ce n’était pas sa journée. Bref. Sora sortit donc de la chambre, mit ses mains dans ses poches et avança dans le couloir. Il n’avait aucune idée de là où il devait allait. En plus, il ne connaissait toujours pas bien les lieux. Magnifique ! Errant donc seul dans les couloirs, le mi-Coréen ne prit pas la peine de regarder les gens qu’ils croisaient, ceux-ci ou plutôt celles-ci le dévisageant presque avec envie. Il détestait ça…

Puis, il finit par percuter quelque chose, ou non, quelqu’un. Il ne tomba pas mais recula de plusieurs pas en arrière. Se frottant le front, il redressa la tête et vit un homme en face de plus, plus vieux que lui, environs dans les vingt-cinq ans peut-être. Intrigué, il baissa la tête et vit alors par terre des feuilles, et plus loin, un dossier avec son nom marqué dessus. Là, Sora fixa l’homme vraiment méchamment. Il avait trouvé le psychologue, mais n’appréciait pas du tout qu’on puisse avoir un dossier sur lui, sur sa vie. Il ne dit rien, se contentant de le dévisager.

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Au moins, percuter quelqu’un avait eu l’avantage de le sortir de ses pensées, ou plutôt de l’état absent dans lequel il était ce matin. Il pensait alors à Yoko qu’il n’avait pas vu depuis plus d’un mois et, quand il sentit une masse plus petite d’une bonne tête le heurter, Aoto baissa un regard plein d’espoir vers l’individu en face de lui. Mais il ne s’agissait pas de Yokoro, c’était un jeune homme qu’il n’avait jamais vu ici, aux yeux et aux cheveux noisettes. Le psy prit un ton d’excuse accompagné du geste usuel de la main.

"Oh pardon, je ne regardais pas où j’allais…"

Il s’interrompit, surpris, car le jeune garçon qui le dévisageait avec des yeux noirs lui disait quelque chose. Pas très étonnant, puisqu’il constata en se baissant pour ramasser son dossier éparpillé à terre que la page contenant le polaroïd de son dernier patient n’était autre que celle de son interlocuteur. Aoto prit le temps de rapidement rassembler ses papiers épars et se releva, avec toujours le portrait sous les yeux, comparant rapidement les deux visages: celui figé par l’impression, et l’autre bien vivant qui portait en lui une flamme de méchanceté.

"Ah, c’est toi, Yuusami Sora?" C’était en fait plus une affirmation qu’une question.

Bon, finalement, il n’aurait pas le temps de lire le dossier de l’adolescent avant son entrevue avec celui-ci; d’une côté tant mieux, cela pouvait être très intéressant de travailler dans l’improvisation, comme ses expériences le lui avaient prouvés, et puis ça donnerait l’occasion au jeune homme de lui raconter tous les détails lui-même. Quoi que, ça ne serait sans doute pas si facile que ça, étant donné l’animosité qui habitait le visage fermé de Sora en cet instant.
Aoi se fendit d’un sourire, histoire de mettre son jeune loup en confiance.

"Enchanté, je suis Aoto Kôshô, le psy à charge de ton dossier. Si tu veux bien, allons nous rendre en salle des psychologues, ce sera plus confortable pour ce premier entretien" fit-il en montrant d’un geste de la main la direction de la pièce en question. Il marqua une pause, remarquant que son interlocuteur n’avait pas changé d’expression. "Hé bah, pourquoi tu fais cette tête?"

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Il n’avait jamais parler de ses ‘problèmes’ a quelqu’un, même pas à ses parents lorsqu’ils essayaient de comprendre pourquoi il faisait ces crises. Il ne voulait pas en parler, c’était déjà bien assez dur comme ça à encaisser. Alors en parler à un inconnu, c’était impossible pour lui. Tel qu’il pouvait être, jamais il ne pourrait dire tout ce qu’il pensait, tout ce qui le rongeait. Rien. C’était hors de lui. Sora préférait largement se renfermer encore plus sur lui-même que de raconter sa vie à quelqu’un qui soi disant vous aide à allez mieux. Il n’avait pas besoin de ça. Soudain, il entendit l’homme s’excusez de l’avoir percuter. Le fixant toujours, il le vit ramasser les feuilles par terre et les remettre dans le dossier portant son nom. Ce qu’il y avait à l’intérieur ? Il s’en fichait, en réalité. Il trouvait juste cela déplacé d’avoir la vie de quelqu’un sur un bout de papier avec sa photo. M’enfin, c’était son point de vue, mais ça le mettait assez en colère il faut dire.

Une nouvelle fois, l’homme parla. C’était donc lui, le psychologue. C’était facile à deviner juste avec l’affirmation qu’il avait faite par rapport a Sora. D’ailleurs, il le regardait, le comparant avec la photo qu’il avait de lui. Le jeune homme serra un de ses poings. Finalement, il se présenta. C’était bien ça : c’était lui l’homme à qui il allait devoir raconter ses crises. Jamais. Ne changeant pas d’expression, il ne bougea pas et ne le suivit pas, lorsque Aoto lui proposa de changer d’endroit. Tourna la tête et déposant son regard sur un arbre, dehors par la fenêtre, le mi-Coréen finit par lui répondre, d’une voix neutre :

Rien…Je n’aime juste pas l’idée que vous ayez un dossier sur moi, sur ma vie…

Il ne dit rien de plus et soupira. Remettant ses mains dans ses poches, il se décida à avancer un peu vers l’homme, lui disant ainsi qu’ils pouvaient partir. D’un côté, il était curieux de voir comment ça allait se déroulé, mais de l’autre, il avait peur de stressé et d’ ‘exploser’ . Sora sentit alors ses avant bras, ou plutôt, ses cicatrices sur ses avant bras le picoter un peu. Ce n’était rien, il appréhendait juste.

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Bon, visiblement son nouveau « patient » n’était pas du genre spontané et jovial! Pas grave, il faut de tout pour faire un monde. Et ce n’était pas le premier pour Aoto, qui en avait déjà vu des vertes et des pas mûres. De plus, souvent, les gosses renfermés sur eux-mêmes étaient beaucoup plus riches et profonds que les grands dadais superficiels, qui se retrouvaient au centre pour avoir volé son sac à une mamie histoire de se payer la dose du jour.
Mais c’est vrai que le jeune Yuusami paraissait particulièrement sombre et taciturne. Et on ne devenait, a priori, pas sans raisons comme ça, ce qui faisait regretter amèrement à Aoi sa flemme de ce matin à cause de laquelle il n’avait pas lu le dossier du jeune homme! Il aurait pu en apprendre plus. Alors que, à présent, il risquait à tout moment de faire une gaffe en parlant d’un sujet sensible sans s’en apercevoir. Il devrait donc parler en choisissant soigneusement ses termes.
Il vit soudain que Sora ne le suivait pas et écouta les propos de l’adolescent.

"Rien…Je n’aime juste pas l’idée que vous ayez un dossier sur moi, sur ma vie…"

"Ha! euh, eh bien…" Aoto se racla la gorge, pris de cours tandis qu’une très légère couleur rosée teintait ses joues. Vraiment, qu’ils aillent au diable, ce temps pourri et sa flemme maudite! Il emboîta le pas à Yuusami et ils commencèrent à marcher dans le couloir d’une démarche régulière, l’ado les mains dans les poches et le psy avec son dossier sous le bras. Cliché powa.

"Hem, pour être tout à fait honnête… Je ne vais pas te mentir, j’ai eu une sorte de… empêchement ce matin, et je ne l’ai pas encore lu. Donc, rassure-toi, je n’ai absolument aucun a priori à ton sujet. Quand à «ta vie», elle est loin d’être contenue dedans. Un dossier finalement, c’est relativement creux."

Bon, un psy qui ne faisait pas son travail! Super comme entrée en matière. Ca ne devait pas mettre tellement l’adolescent en confiance. Les deux hommes parvinrent au bout du couloir suivant, quasiment désert, et Aoto s’arrêta devant la toute dernière porte, qu’il déverrouilla à l’aide d’un trousseau de clés sorti de la poche de sa veste immaculée. Après quoi il s’effaça pour laisser entrer son interlocuteur.

"Voilà, c’est ici! Entre, je t’en prie. Au fait, comment préfères-tu que je t’appelles? Yuusami-kun? Sora-kun? Tu n’as peut-être pas de préférences, mais je préfère m’en assurer. J’ai eu de mauvaises surprises avec ça."

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Marchant donc derrière l’homme d’un pas lent et pas tout enthousiaste, le jeune homme constata que son corps frémissait un peu. Pourquoi ? Car ce psychologue l’effrayait un peu. Oui, savoir qu’il connaissait tout des personnes présentes ici, dans ce centre, mais surtout leur point faible, ça l’effrayait assez. Pour lui, c’était comme s’il était supérieur a eux tous grâce a son ‘métier’, qu’il contrôlait leur vie. Certes, pour certain cette vision peut paraître vraiment stupide, mais c’était vraiment ce qu’il ressentait en ce moment. En même temps, Sora était maintenant très distant et méfiant envers les inconnus, et ne les approchait plus : il fuyait tout le monde. C’était donc normal qu’il ait cette perception des choses. Bref, il fut sortit de ses pensées en constatant la réaction de Aoto face à sa réflexion d’avoir un dossier sur lui. Il semblait troublé et perturbé, ce qui l’amusa un peu.

Soupirant, il continua de le suivre, docilement pour le moment, tout en fixant le sol. Puis, le psy se mit à nouveau à lui parler. Il n’avait pas lu son dossier. Ce n’était pas une mauvaise chose. Quoique…Maintenant, c’était sur, Sora allait devoir lui raconter des choses sur lui. Il espérait juste que l’homme n’allait pas lire son dossier entre temps, pour ainsi ne pas avoir à lui raconter ses crises. De toutes façons, soit il allait avoir de la pitié pour lui, soit il le prendrait pour un fou. Il en avait prit l’habitude, a force, de la réaction des gens face à son problème…Mais il comprenait. Lui-même se détestait et se comparait à un monstre. M’enfin…

Il faillit à nouveau percuter l’homme, celui-ci s’étant arrêté pour ouvrir la porte de la salle des psychologues. Redressant la tête, il le regarda un moment, le regard vide, puis entra dans la pièce. Et là, comme à son habitude, il se colla contre le mur, à côté de la porte, et ne bougea plus. Le psy entra a son tour, et lui demanda comment il devait l’appeler. Là, Sora faillit rire et sortir quelque chose de méchant, mais ne le fit pas. Il se retint, et dit d’une voix sans ton :

Personnellement, je m’en fiche. Faites comme vous voulez…

Ne disant rien d’autre, il laissa sa tête s’appuyer contre le mur et ferma ses yeux. Alors, son visage s’adoucit un peu, mais resta tout de même sans expression, vide. Son corps se remit à frissonner un instant : ses avant bras le piquaient. Il stressait vraiment, un peu apeuré par la situation.

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Très loin de se douter du malaise qui régnait dans l’esprit du jeune Sora en cet instant, puisqu’il le prenait du moins pour le moment, pour un adolescent simplement un peu bougon, Aoto s’avança d’un pas allègre dans la salle des psychologues. Il dut allumer les plafonniers car le mauvais temps jetait une obscurité voilée sur la pièce, la plongeant un peu dans la pénombre. La pluie tambourinait aux vitres avec insistance, dégoulinant dessus tel un torrent de larmes.
Le jeune psy posa ses affaires (à savoir ses clés et le dossier rempli de paperasses maintenant dans le désordre) sur son bureau, et revint à la porte pour la refermer derrière lui, histoire qu’ils soient tranquilles. Là, il remarqua avec étonnement que le gamin n’avait pas bougé du mur, adossé à celui-ci et le visage tendu. Il avait l’air crevé d’un ado éméché qui vient de se tapper une nuit blanche. Ou alors un peu maladif. Ou les deux, au choix.

"Euh… tu peux rester contre le mur si tu veux mais viens plutôt t’asseoir, ça sera plus pratique" fit-il en pointant du doigt une chaise en face du meuble en merisier.

Joignant le geste à la parole, Aoi regagna son bureau et s’assit sur son fauteuil confortable, son éternelle bouteille d’eau devant lui. Maintenant, l’entretien pouvait véritablement commencer. Il jeta un regard vers Yuusami-kun, observant un instant son visage impavide encadrés de mèches courtes et soyeuses. Il le camouflait presque avec perfection mais le psy n’était pas dupe, il en avait vu d’autres: le jeune homme stressait, pour il ne savait quelle raison. Il fronça mentalement les sourcils. Ce n’était pas lui qui l’effrayait, quand même! Si? Pourtant, les gens avaient plus souvent envie de rire en le voyant, alors ça le déconcertait un peu…

"Bref" fit-il pour mettre un terme à ses pensées en se raclant la gorge. Il prit les deux premières pages du dossier, celles qui contenaient le polaroïd et les informations rudimentaires. "Donc, tu t’appelles Sora Yuusami… tu as 16 ans et demi et tu as été envoyé ici pour…" il fronça les sourcils, déconcerté par ce qu’il lisait sur le papier et qui avait des airs d’actes de terrorisme. "Destruction d’un bar et d’une chambre d’hôtel… c’est ça?" Fit-il en relevant la tête et jetant un regard interrogateur à son jeune patient, histoire de voir si celui-ci semblait prêt à parler de son histoire ou si, comme Aoto le pensait, il allait se renfermer comme une huître.

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Il faisait un peu froid dans la pièce. C’était ce que ressentait alors le jeune homme. Il sentait le froid venir lui picoter les joues. Mais ce n’était pas désagréable. Par contre, ce qui le dérangeait vraiment, c’était le bruit de l’eau sur les vitres. C’était vraiment agaçant, et ce bruit rendait Sora encore plus de mauvaise humeur. Rien de tel pour l’énerver un peu plus. M’enfin…Prenant sur lui, il garda les yeux fermés lorsque le psychologue alluma les plafonniers. Et quand il lui parla, pour lui proposer de venir s’asseoir, il se contenta de soupirer et de se décoller du mur. Il le regarda s’asseoir devant son bureau, et fit de même sur la chaise montrée par celui-ci. Il se mit bien au fond, et la recula un peu du bureau.

Redressant la tête, le mi-Coréen posa son regard sur son dossier qui se trouvait à présent sur le bureau d’Aoto. Il le fixait, se demandant bien ce qui pouvait être écrit à l’intérieur sur son sujet. Enfin, il se demandait surtout si ça parlait de ses crises, et de comment elles se déroulaient. Soudain, son regard se posa sur l’homme qui venait de prendre le dossier, pour lire les dernières pages. Non, il ne devait pas ! Il ne voulait pas !! Finalement, il se mit à parler, disant que qu’il lisait. Là, Sora vit que son visage changeait. C’était trop tard, il avait lut.

Maintenant qu’il le regardait, comme s’il ne croyait pas ce qu’il lisait et qu’il ne comprenait pas, le jeune homme lui fixait le sol. Il ne voulait pas en parler…Même si il lui poserait des questions, il n’y répondrait pas. Sa bouche scellée, il se contenta juste d’hocher la tête positivement. Dans sa tête, des images de ses crises revenaient tout à coup. Des images des plus violentes…Alors, il ferma les yeux, et posa une main sur son avant bras droit qui le brûlait. Nan, il ne devait pas ! Il fallait qu’il se retienne ! Son corps se mit soudainement à trembler un peu. Ses souvenirs étaient plus forts et plus violents. Il revoyait tout, dont surtout les regards horrifiés de ses parents. La main de Sora se referma sur sa manche, la serrant fortement. Ainsi, il la remontait un peu, et on pouvait alors voir le début de ses cicatrices, celles qu’il c’était fait en se frottant la peau à sang pour se retenir de ne pas ‘exploser’…

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Assis à son bureau, Aoi était plutôt déconcerté. Vu le visage jeune et neutre de Yuusami, il fallait vraiment avoir beaucoup d’imagination pour se le représenter en train d’annihiler les lieux inscits dans son dossier. D’ailleurs, comment s’y était-il pris? En saccageant tout à main nu ? En plaçant des explosifs, lui qui était en pleine adolescence? Il se demandait vraiment ce qui avait pu pousser le jeune homme à détruire une chambre d’hôtel et un bar entier. Sûrement un règlement de compte ou un truc dans ce genre, bien que le jeune Sora ne semblait pas être de ce type là. En fait, il avait l’air crevé de quelqu’un qui ne demande plus qu’une chose: rentrer chez lui et se coucher. Mais Aoto ne pouvait pas le laisser partir ainsi, sinon leur entrevue aurait été stérile et il aurait manqué à ses devoirs jusqu’au bout.
Comme il le pensait, même si il avait espéré le contraire, son jeune interlocuteur se mura dans un silence épais quand le psy lui énonça ses «exploits». Il n’avait visiblement pas du tout envie d’en parler. En général c’était ainsi, les ados de qui il avait la charge n’avaient pas spécialement envie de déballer leur vie à un parfait inconnu.

"Bien" fit-il en guise d’introduction. "Comme je te l’ai dit, je suis Aoto Kôshô, le psy en charge de ton dossier. Cela signifie que nous sommes sensés, dans la théorie la plus naïve, entretenir une sorte de relation privilégiée, que tu n’aie plus aucun secret pour moi et que tu viennes pleurer sur mon épaule quand ça ne va pas. Nous savons bien entendu tous les deux que ça ne s’est jamais passé comme ça dans la réalité, et que ça n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Mais ça signifie aussi que c’est moi, quand tu auras purgé la peine que t’as incombé la justice, qui va décider si tu es apte à sortir de ce centre." Il marqua une pause puis regarda Sora dans les yeux un moment. "Mais il me faudrait bien sûr un minimum de coopération pour y parvenir. Si tu veux sortir au plus vite d’ici, c’est le meilleur moyen."

En général, ça motivait les jeunes de faire miroiter leurs intérêts. La plupart étaient si pressés de sortir du centre qu’ils étaient prêts à faire des concessions. Aoto s’aperçut que le jeune Yuusami semblait vraiment à cran; quand celui-ci releva par inadvertance sa manche, il vit les marques sur son poignet et fronça discrètement les sourcils.

"Tu ne m’as pas l’air du tout d’aller bien" fit-il remarquer d’une voix neutre. "Si tu veux, nous pouvons reporter cet entretien à plus tard. Demain ou après-demain. Rien ne presse."

**Et ça peut lui permettre de réfléchir à ma proposition**

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En fait, il se demandait bien ce que s’imaginait l’homme à son sujet après avoir lu les raisons de sa venue ici, au centre. Il se demandait comment il pensait qu’il avait fait ça, et surtout pourquoi. Pensait-il que c’était pour un règlement de compte au autre du genre ? Un signe de rébellion ? La seule chose alors que Sora savait, c’était que l’homme était loin de s’imaginer la réalité, loin de s’imaginer que c’était un problème psychologique. Mais d’un côté, ce n’était pas plus mal. Car il savait que s’il l’apprenait, il ferait alors partit des gens dont leur regard envers notre jeune homme à changer…

La pluie, tambourinant toujours contre les vitres de la pièce, ne s’arrêtait pas. A croire que cette journée allait ce résumée à ça. Toujours perdu dans ses flash back, autant durs et violents, le mi-Coréen n’écouta que vaguement ce que raconta le psychologue à propos de leur ‘relation’ et de son métier vis-à-vis de lui. Ca ne l’intéressait pas : se battre contre ses souvenirs étaient plus important. Ses avants bras le démangeaient de plus en plus, ses cicatrices le brûlant. Il essayait donc tant bien que mal de ne pas commencer à se frotter la peau. Sinon, tout était foutu.

Ce ne fut qu’à la remarque d’Aoto qu’il ouvrit les yeux. Il tourna un peu la tête, et vit qu’il avait relevé sa manche, laissant ainsi voir ses cicatrices. En vitesse, il la rebaissa, et posa son regard sur le bureau face à lui. Prenant une grande respiration, pour se calmer un peu, il fit non de la tête, et se mit à parler d’une voix neutre et un peu tremblante :

Ca va…Qu’y a-t-il d’écrit de plus…sur moi…là dedans ?!

D’un signe de tête, il montra le dossier. D’après lui, ça ne racontait pas ses crises. Car sinon, l’homme lui aurait déjà fait une réflexion dessus. Pour essayer de calmer son envie de se frotter la peau, Sora mit ses mains entre ses jambes. Son corps tremblait encore un peu, et son visage était neutre de toute expression, à par peut être celle de la peur. Ses flash back étaient pour la plupart partis, mais certains demeuraient, apparaissant sans raison particulière. Le pire pour lui, c’était à la place de l’homme en face de lui, il voyait ses parents, horrifiés par lui-même. Secouant la tête, il posa ses yeux sur Aoto, son regard lui donnant presque une impression d’être perdu.

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Décidément, il y avait dans l’attitude du jeune Sora quelque chose qui prouvait plus qu’explicitement qu’il avait des choses à cacher, et plus il essayait de le dissimuler, moins son attitude était discrète. Le psychologue, plutôt entraîné, l’avait vu tout de suite, mais même des gens normaux auraient pu faire cette déduction. Yuusami s’y prenait pour l’instant plutôt mal quand il s’agissait de cacher quelque chose. Mais c’était normal, il était encore jeune et après tout Aoto s’en réjouissait, ainsi il aurait sans doute plus de chances de faire éclater la vérité au grand jour. Ainsi étaient ses pensées alors qu’il contemplait les poignets de Sora que celui-ci venait de cacher vivement, comme si le simple regard du psy pouvait le brûler.

Son jeune «patient» n’avait pas semblé très réceptif à son discours d’entrée en matière, mais après tout ce genre de choses, souvent, ne se faisaient pas en une fois. Et Aoi avait tout son temps, puisqu’il travaillait au centre! Ca prendrait des mois, peut-être des années, mais soit, après tout c’était son boulot. C’est pourquoi il prit quelques minutes pour le fixer très longuement, avec acuité et des yeux inquisiteurs. Le genre de regard qui vous met mal-à-l’aise, et c’était fait exprès.

"Hé bien…" commença Aoto après un moment, se défaisant à contrecœur de son regard soupçonneux "puisque je n’ai pas eu le temps de le lire, nous allons voir ça ensemble. Ainsi, tu pourras me faire part de tes points de vue en temps réel."

Il s’empara du dossier qu’il ouvrit en grand sur le bureau et commença à le feuilleter, ses yeux bondissant de phrase en phrase sans s’écarquiller ni se plisser, comme si ils étaient totalement neutres. Au dehors, la pluie semblait s’être un peu calmée.

"Alors… tu es né à Nagasaki et tu y as grandi. Visiblement tu as fréquenté de bonnes écoles et tu étais brillant. Je suppose que tu as dû faire la fierté de tes parents. En tout cas il n’y a presque rien d’écrit jusqu’avant tes 15 ans. Là apparemment, quelque chose s’est mis à clocher et tu es devenu violent. Tu as blessé de nombreuses personnes et détruit cette chambre d’hôtel et ce bar, avant que tu ne quittes ta ville natale pour aller ici, à Tokyo."

Le ton d’Aoto était toujours remarquablement neutre. Ce que Sora devait bien comprendre et ressentir dans l’intonation de sa voix, c’était qu’il ne le jugeait aucunement, il énonçait juste des faits à voix haute.

"Mais la raison de ces violences n’est pas précisée. Est-ce que tu souhaites me dire quelque chose? Qui expliquerais aussi pourquoi on a l’impression que tu es assis sur une bombe? Ne crois pas que je suis aveugle"

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Etre discret ? Non, ce n’était pas ce qu’il essayait de faire. Au contraire, il s’en fichait. La seule chose qui l’importait, c’était le fait d’essayer de se calmer, et de chasser les derniers flash back qui persistaient à rester dans sa tête. Etre discret était alors le dernier de ses soucis actuels. Il finit par soupirer discrètement de soulagement en constatant que la sensation de brûlure que dégageaient ses cicatrices se calmait petit à petit. Certes ça lui faisait toujours mal, et il avait toujours envie de se frotter la peau, mais c’était déjà mieux. Néanmoins, Sora voyait toujours ses parents en face de lui, qui le fixaient, d’un regard presque effrayé. Ayant vraiment envie de surpasser ses douloureux souvenirs, il ne broncha pas, et reposa son regard sur le psy, qui venait se s’emparer de son dossier pour le feuilleter plus en détail.

Il se décida tout de même à l’écouter. Mais ce que disant alors à voix haute Aoto n’était que sa vie, et il la connaissait par cœur, surtout ses côtés négatifs et douloureux… « Tu as dû faire la fierté de tes parents » … Ce morceau de phrase se répéta plusieurs fois dans sa tête. Oui, ils avaient été fiers de lui ; il était leur rayon de soleil, jusqu’à ses 15 ans, avant que tout bascule. Même si le ton de la voix du psychologue était neutre, pour lui montrer qu’il ne le jugeait pas, entendre ça de la bouche de quelqu’un lui faisait encore plus mal. Car à entendre tout ça, Sora avait l’impression qu’on décrivait les actes réalisés par un monstre. Oui, un monstre…Voilà ce qu’il était devenu…

Aux questions finalement posées par l’homme, il ne put se retenir d’avantage : ses cicatrices le brûlaient de trop. Sortant donc ses mains d’entre ses cuisses, le mi-Coréen releva la manche droite, laissant ainsi voir les grandes traces roses sur son avant bras, et se mit à le frotter. Son regard se voila et son visage devint neutre, inerte d’expressions. Il ne voulait pas faire une crise, pas ici, devant lui, mais il n’en pouvait plus. Il n’en pouvait plus de cette douleur qui le rongeait, de ces flash back horribles qui le hantaient. Sora se mit soudainement à pleurer, en silence, se frottant toujours sa peau, ouvrant à force à nouveau ses cicatrices et saignant donc...Son corps trembla un peu plus. Il perdait peu à peu le contrôle de lui-même…

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