[Terminé ♥] Ceci est une ruelle. Pv . Kozue

Kozue bougea légèrement. Le cœur du jeune homme s'accéléra encore plus dangereusement que précédemment. Et si, comme toute personne normale, elle s'en allait ? Cette pensée commençait à angoisser Ren. Mais pour quelles raisons ? Comment pouvait-on expliquer ce lien entre les deux jeunes gens alors qu'ils ne se connaissaient que depuis quelques heures à peine ? Et pourquoi savait-il que si elle partait il se sentirait perdu ? Après tout, vaut-il mieux être perdu à deux que seul ? Il se sentit à nouveau très égoïste, oui, de la retenir ici. Même si elle avait dit qu'elle ne serait pas partie, pourquoi ne la croyait-il pas finalement ? Et comment pouvait-il simplement oser douter de la sincérité de la demoiselle ? Elle acheva son mouvement en se calant contre le torse du jeune homme. Il la sentit se replier sur elle même; ses jambes remontant jusqu'à son menton. Il ouvrit les yeux et continua à passer lentement sa main dans les cheveux humides de la jeune fille.

Elle prit la parole une fois de plus, exprimant son incompréhension face à tout ce qui se passait. Ren pouvait très bien comprendre; tout ce qui lui était arrivé ce soir là le dépassait de beaucoup. Il aurait voulu passer sa vie comme ça, ici; voir même y mourir maintenant. Après tout, rien ne le rattachait à personne, ici. Il ne comptait sur personne et personne ne comptait sur lui. Il aurait très bien pu disparaître que personne ne s'en serait rendu compte. Il prit une respiration forcée, avant de dire :

Il ne savait rien de ce qu'il venait d'avancer, mais son angoisse de voir les premiers rayons apparaître sur l'horizon se sentait dans sa voix. Le tumulte de la rue reprendrait, et rien ne serait pareil. Les gens continueraient à avancer, impassibles. Et lui, il ne savait même pas ce qu'il ferait. Il marcherait comme ça, devant lui, jusqu'à arriver quelque part. Où, il ne le savait pas encore. Peut-être qu'il rentrerait au centre et continuerait à observer son plafond comme il le faisait si souvent. Peut-être essaierait-il de dormir un peu. Peut-être.

Kozue se remit à parler. D'après elle, elle avait le droit de faire ce qu'elle avait envie de faire. Ren sourit. Si seulement c'était si simple. Lui aussi ferait ce qu'il avait envie de faire. Seulement, il ne le savait même pas. Avoir tant de possibilités sur l'instant, ne plus être freiné par rien, il serait certainement effrayé. Les actions que l'on fait entraînent toujours des sacrifices; et Ren ne le savait que trop bien. Trop de fois il avait dû choisir ce qui serait le moins douloureux pour les être qu'il aimait, quitte à ne plus jamais les revoir. Il était quelqu'un de dangereux, et se rapprocher de lui l'était tout autant. Seulement il ne voulait pas l'avouer à Kozue. Il ne pouvait même pas se l'avouer à lui même, tant cela lui faisait mal. C'est lorsqu'il sentait les lèvres de Kozue frôler les siennes qu'il stoppa net toute réflexion. Ren sentit son cerveau exploser. Ses pensées n'arrivaient plus à être rationnelles, comme si on avait inversé l'ordre des mots dans toutes ces phrases. Il sentit ses joues se réchauffer, et ses organes se foncer dedans les uns des autres. Jamais il n'avait vécu cela, ayant pourtant embrassé bien des femmes. Des magnifiques, des intelligentes, des sensuelles, elles ne valaient rien. Son cœur s'accéléra subitement, déchirant sa poitrine à chaque nouveau battement. Son sang ne passait même plus dans ses veines trop tendues. Il ne s'y attendait pas vraiment de la part de Kozue.

Cette dernière se recula, essayant de percer le mystère de l'expression de Ren, qui, à ce moment là, devait se résumer à un « 404 not found » général; et de ses joues qui prenaient la couleur du feu. Il ferma les yeux un instant, essayant de calmer son cœur, de stopper la bousculade de ses pensées dans sa tête. Il n'y eut plus qu'un silence dans son esprit. Il voulait essayer de comprendre, mais ce fut en vain. Toutes ses capacités d'analyse, voir même sa simple habilité à réfléchir s'était mise en grève. Kozue regardait le sol. Ren, lui, savait qu'il n'aurait pas pu soutenir son regard. Il tenta de mettre des mots sur tout ça, mais tout ce qu'il pu faire fut de prononcer le prénom de la jeune fille.

Il repensa subitement à ce qu'elle avait dit. Si elle pouvait faire ce qu'elle voulait, pourquoi lui ne pourrait pas ? Il n'avait rien à perdre, après tout. Kozue, elle, avait toujours le regard fixé sur le bitume. La pluie s'était arrêtée. Il faisait malgré tout toujours nuit noire, comme si le temps avait suspendu son vol. Du bout de l'index, il releva le menton de la jeune femme, et profita d'un moment de répit de son esprit pour lui rendre son baiser, plus profondément, certes, que la première fois. Il ne souhaitait même plus ouvrir les yeux, ni même laisser son sang continuer à circuler dans son corps; il aurait prié pour que son cœur arrête de battre maintenant. Il voulait que tout s'arrête ici, dans une douceur infinie. C'aurait été une belle mort, si seulement c'en avait été une. Mais son cœur fonctionnait toujours aussi bien, même si il battait particulièrement fort, et ce n'était sûrement pas ce soir qu'il rendrait l'âme. Il se recula doucement, et, prononça doucement ces mots :

Bien que ne sachant pas lui même s'il l'était vraiment, il se devait de s'excuser. Il ne savait même pas pourquoi, mais ces mots s'étaient imposés à son esprit sans qu'il n'ait le temps de les vérifier. Il commença à jouer avec ses doigts, pour évacuer la tension, sûrement. Il n'osait même pas affronter le regard de la jeune fille, qu'il sentait pourtant posé sur lui. Il ne savait même pas s'il aurait le courage de la regarder en face après ça. Il se mit alors dans une colère interne effroyable; il se détesta de n'avoir pu se contrôler. Il avait faillit à la règle qu'il s'était lui même posé : il était faible. Ces mots résonnèrent longuement dans son esprit. Il espérait sincèrement que Kozue ferait quelque chose pour le sortir de sa peur de lui-même, tant il se sentait angoissé.

Kozue se blottit contre Ren, qui lui, était toujours aussi décontenancé, son estomac vide n'arrangeant pas les choses. Ses pensées avaient prit la consistance d'une spirale sans fin tournant dans son esprit. Il voyait en pensée, dès qu'il fermait les yeux, tous les mots qui constitueraient des phrases normalement, qui s'échangeaient des lettres au fur et à mesure que tout s'embrouillait pour lui. D'ailleurs, il ne suivait même pas son propre conseil; il se forçait à réfléchir bien qu'il savait effrontément qu'il ne comprendrait rien. C'était comme ça et pas autrement. Tout ce qui c'était passé avait été concocté par une sorte de force supérieure et on n'y pouvait rien. Tout ceci était le fruit du destin. Tout comme le fait qu'il soit toujours en vie, et tout comme ce qui se passa ensuite.

Les mains glacées de la jeune femme s'attardèrent dans son cou, où elle déposa ses lèvres. Elle remonta lentement jusqu'à celles du garçon, desquelles elle s'empara audacieusement. Mais un bruit retentit dans la rue. Ren ouvrit les yeux, essayant de voir ce qui se tramait un peu plus loin. Un grand homme de type caucasien sortit de ce qui semblait être un bar. Ren décala Kozue de quelques centimètres et se pencha en avant histoire d'apercevoir mieux son visage. L'homme marcha de quelques pas vers eux; et l'on pu voir qu'il était saoul à sa démarche. Il avait dans la main une lampe à piles, et éclairait petit à petit les recoins de la rue. Il semblait marmonner quelque chose. Ren tendit l'oreille, et capta en partie ce qu'il disait.

Son sang ne fit qu'un tour. Encore un malade qui frappait des femmes. Mais il se rapprochait dangereusement des deux jeunes gens. Il éclairait chaque recoin de la rue, cherchant cette « elle » dont il parlait. Ren eut un mouvement de recul, il décala Kozue derrière lui. On ne sait jamais comment un homme saoul peut réagir. Il ne le savait que trop bien. Il aurait bien quitté le club où il travaillait si seulement il en avait le courage, mais cela aurait impliqué s'enfuir de Tokyo, et il n'avait nulle part où aller. L'étranger était maintenant juste devant eux, lorsqu'il prononça :

Ren eut juste le temps de voir l'air effaré sur le visage de la jeune fille, que le type braqua sa lampe sur eux. Tout ceci s'annonçait tout à coup bien mal pour les deux jeunes gens...

Le sang du jeune homme ne fit qu'un tour. Le type ivre mort devant eux avait prononcé le nom de Kozue. Il fallait s'en aller. Mais l'homme réfléchit plus vite que Ren, ce qui pouvait être associé à son taux d'alcoolémie, et saisit la jeune fille par le col. Ren eut tout juste le temps de voir la main de l'inconnu se lever qu'un grand bruit retentit et que Kozue tomba à genoux par terre. Ren se précipita vers elle, elle avait à nouveau le visage ensanglanté, et elle regardait fixement devant elle. Tout ceci devenait trop dangereux. Kozue ne supporterait pas un autre coup. Ses jambes redevinrent mobiles tout à coup, et il en profita pour saisir Kozue par la main. Il fallait partir. Partir le plus loin, le plus vite possible. Il attrapa le poignet de Kozue, l'agrippa le plus fort qu'il le pouvait et l'entraîna dans une course folle pour s'éloigner de l'homme. Il fallait qu'il la mette en sécurité. Il ne se pardonnerait pas si elle mourrait sous ses yeux, c'en était même peut-être déjà trop pour le petit coeur de la jeune fille. Ren n'osait même pas se retourner, non, il courrait, entendait les pas lourds de l'inconnu derrière eux. Kozue devait survivre. Le destin ne pouvait pas lui faire un coup pareil une fois de plus...

Il s'engagea dans une allée sur la gauche, une longue rue qui ne menait .. Nulle part. La voie était bouchée. Il ne manquait plus que ça. Il soupira et se retourna vers Kozue. Fort heureusement, elle était en vie. Il l'entraîna vers lui en tirant sur le poignet qu'il n'avait pas lâché, et la serra contre lui, calant sa tête dans son cou. Mais l'homme se rapprochait. Il savait où ils étaient et connaissait bien la rue, vu qu'il avait ralenti sa marche. Ren localisa une poubelle, contre le mur. Il attrapa Kozue et s'installa derrière avec elle. Il ne savait pas vraiment si ça allait marcher, mais il l'espérait de tout son cœur. Il avait vraiment peur, son myocarde lui déchirait la poitrine à chaque révolution, comme si le muscle allait sortir de son corps au prochain battement. Il ne pouvait que retenir Kozue contre lui pour mieux la protéger ..

Il ne pouvait faire mieux que lui chuchoter ces mots en guise de réconfort. Il la serrait toujours plus fort, comme si il lui était impossible de la laisser partir, comme si une sorte de champ magnétique les retenaient prisonniers l'un de l'autre. Il ne laisserait pas gagner l'homme. Non, tout ne pouvait pas s'arrêter comme ça. Il se devait de tout laisser continuer librement. Il vaincrait le destin, cette fois-ci.

Les pas de l'homme disparaissaient peur à peu. Il ne les avait finalement pas repérés. Ren soupira en même temps que Kozue. Ils étaient saufs. Son cœur se calma lentement, Kozue ne risquait plus rien, non. Elle était ici, avec lui. Il ne la laisserait pas partir, non. Tout était fini. Elle ne risquait plus rien, non. Il ouvrit les yeux avec difficulté, pour vérifier si Kozue allait vraiment bien. Elle était calée contre lui, agrippée solidement à son tee shirt, mais l'air relâchée. Tous ses muscles semblaient complètement détendus. Ren retrouva sa respiration difficilement; tout en essayant de synchroniser son cœur à celui de Kozue, si près du sien. La misérable épaisseur de peau entre les deux organes qui maintenaient les jeunes gens en vie était si étroite, mais si présente. Ren aurait tellement aimé fusionner avec elle, à ce moment là. Se débarrasser de son corps trop embarrassant, ne plus exister qu'à travers quelqu'un d'autre. Il eut prié pour que cela arrive, tout était en vain. Il était condamné à rester Renmei Haninozuka, un garçon de dix-neuf ans, dans une rue sordide, avec une fille qu'il ne connaissait qu'à peine.

Juste une minute. Juste une minute, c'était le temps qu'il fallait pour que le soleil se lève. Les premiers rayons filtraient déjà derrière le grand mur qui les protégeaient. On pouvait apercevoir les lueurs violacées entre les nuages, accompagnées de leurs trainées oranges dans le ciel. Malgré toute la pollution de la ville, on pouvait clairement voir le lever du soleil d'Ikebukuro. Ren attrapa le poignet de Kozue pour l'emmener quelque part où le soleil serait visible lorsqu'il se montrerait. Mais pour l'instant on ne voyait que les clartés rougeâtres s'échelonnant le long des nuages, comme si les jeunes gens prenaient place dans un amphithéâtre des bords du Ciel. Ce spectacle s'offrait à eux tout entier. Ren le redoutait tellement, mais finalement, sa beauté était telle qu'on ne pouvait que l'apprécier. Ren entraîna Kozue dans la rue, jusqu'à un endroit en hauteur d'où on pourrait même voir le Cercle de Feu apparaître. On pourrait voir ses flammes gigantesques se déployer dans le Ciel comme un ballet de couleurs orangées. Un nouveau jour se levait, un jour rempli de choses meilleures que le précédent. Un jour qui commencerait dans la même douceur que le précédent.

C'était ce qui retenait Ren en vie. Tous les matins il regardait le Soleil se levait. Comme un rituel. Il observait la teinte que prenaient les nuages, et faisait des prévisions. Ce matin, le rose dominait. Un rose orangé encore plus doux que les autres jours. On aurait aimé s'y noyer. Ren s'assit. Il attendit que Kozue fasse de même. Dans quelque minutes, l'Astre surgirait, et tout serait fini. Tout.

Ren fit le vide dans sa tête. Pendant une minute, il ne savait plus rien. Il n'était plus qu'un enfant devant ce qui le fascinait le plus, le feu. Il aurait tellement souhaité arrêter le temps ici, juste quand le ciel faisait tangente avec la Terre, et le Soleil qui apparaissait doucement sur l'horizon. Il voulait que tout s'arrête, que le temps suspende son vol, qu'il ne reste plus que lui et le lever du soleil. Tout devenait insignifiant devant tant de splendeur, oui. Tout, sauf peut-être la demoiselle à côté de lui. Il avait passé une nuit aussi troublante que formidable près d'elle mais il était toujours inquiet. Et si tout se limitait à une nuit ? Non, c'était impossible. Elle le rappellerait. Ils ne pouvaient pas se quitter comme ça, au lever du jour. C'aurait été une belle fin, quand même, mais Ren était décidé à ne pas se laisser faire par quelque chose dont il n'était même pas sûr de l'existence. C'était bien plus profond. Kozue prit la parole d'une voix étouffée. De nouveaux personnages ? Il n'en savait rien. Il s'alluma une cigarette avec le briquet qu'il avait miraculeusement gardé avec lui, et répondit, de sa voix la plus douce.

Et c'était vrai. Il était toujours possible de faire ré-apparaître des personnages oubliés, ou même apparus précédemment. Le soleil n'était là pour annoncer la fin, non, il était là pour annoncer le changement. La changement, et surtout l'éclaircissement. Il était la seule chose positive qui pouvait arriver le matin. Il était là pour prouver aux humains qu'il les protègerait tout le long du jour. La lune, elle, était menaçante. Ren tourna la tête vers Kozue, qui était concentrée dans le lever du soleil. Il était d'ailleurs à présent en partie visible, et le ciel avait prit une teinte complètement rosée. Ren saisit la main de Kozue. Pourquoi l'avait-il lâchée, il ne le savait pas vraiment. Mais il voulait lui montrer que ce n'était pas fini. La douce chaleur émanant de la main de la jeune fille n'avait pas du tout changé, comme la première fois qu'il la saisit. Et il voulait la saisir encore et encore. Ne jamais s'arrêter. Il regarda Kozue une fois de plus. Ses yeux étaient rouges et gonflés. Il l'attira une nouvelle fois vers lui, l'enserrant de ses bras.

Il ne le fallait pas non. Ce n'était pas triste. Ren savait très bien lui aussi qu'il n'y avait pas de quoi être retourné, mais il se sentit effroyablement fiévreux sur le coup. C'était sûrement à cause des heures passées sous la pluie .. Il frissonna légèrement. C'était un matin sans vent. Ses longs cheveux alourdis par l'humidité ne volait même pas, comme les autres matins. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Il ne le savait même pas. Tout était si difficile, si compliqué. On devait tout calculer, plus rien n'était spontané. Mais en ce moment là, il n'eut rien de plus spontané que les larmes qui coulèrent sur les joues de Kozue, instinctivement essuyées par l'index du jeune homme. Elle ne devait pas pleurer, il n'y en avait aucune raison.