Un anniversaire qui part au désastre.....(Terminé)

Ren n'en pouvait plus. Il ne pouvait plus résister. Malgré tous ses efforts, sa passion pour le feu reprenait le dessus, et tous ses efforts pour oublier restaient vains. Ce soir là en particulier. Il n'avait plus rien à fumer, et se trouvait encore une fois seul dans sa chambre, à observer le plafond. Il sortit donc et décida d'aller inaugurer son nouveau briquet, certes, un briquet à 100 yens achetés chez un marchand de tabac, mais briquet quand même. Il se rendit donc dans l'endroit qui craignait le moins, l'endroit où il cachait tous ses bidons d'essence; Kamata. Il se rendit dans un endroit qu'il connaissait assez bien, il venait souvent faire flamber les poubelles derrière un restaurant traditionnel. Avec chance, il ouvrit une de ces dernières et vit un gros rat et ses petits, qui étaient coincés à l'intérieur. Vivants. Il sourit. Il aller enfin pouvoir s'attaquer à quelque chose d'animé. Il enduit l'intérieur de la poubelle d'essence, et, l'enflamma avec son nouveau briquet. Les flammes grandirent rapidement, assez pour sortir de la poubelle en feu. Le jeune homme, lui, était comme hypnotisé.

Une expression indescriptible s'était affichée sur son visage. Le feu se reflétant dans ses yeux lui donnait un air assez effrayant, comme si il allait prendre possession du jeune garçon. Il avait porté un doigt à sa bouche, se frottant légèrement la lèvre inférieure, jusqu'à buter sur son piercing. Les flammes dansaient maintenant bien au dessus de leur récipient, le transformant presque en un tas de plastique brûlé. Une immonde odeur s'était répandue dans toute l'allée, et les poubelles commençaient à fondre, à déverser un liquide étrange par terre. Bientôt, elles se durciraient, et formeraient une sorte de couche noire sur le goudron, si difficile à enlever que la mairie de la ville serait obligée de la laisser pourrir par terre.

Ren pensa un moment que quelqu'un appelait son nom. Il déchanta vite, il ne connaissait personne ici. Mais cette voix lui était familière, et cela avait semblé tellement réel, que le jeune homme se retourna, par mesure de sécurité. Il se retourna lentement, ne voulant pas décrocher le regard du ballet des flammes qui se déroulait devant lui. Telle fut sa surprise, lorsqu'il croisa le regard de cette fille. Cette fille qui avait été si gentille avec lui. Cette fille qui portait le doux nom de Kozue. C'était donc vrai, elle l'avait appelé, et elle était là, devant lui, à l'admirer en train de torturer une famille de rats qui se trouvait juste là au mauvais moment. La morsure du feu devait justement être en train de leur dévorer les os, arrachant tout dernier souffle de vie qu'ils auraient su garder jusqu'ici.

Mais Kozue n'était pas seule, non. Il y avait avec elle deux autres filles, et un homme. Un homme qui lui ressemblait étrangement. Et ces deux filles, qui se tenaient là, ne sachant pas quoi faire, devant l'ahurissement de leur amie. Il sourit intérieurement. Non, que dis-je, il sourit même extérieurement. Il était temps de braver la loi. Il souriait encore, et puis, finalement, il attrapa le bidon d'essence qu'il avait à portée de main. Il regarda longuement les deux jeunes filles qui entouraient Kozue et l'homme, et puis finalement, il saisit le bras de celle de droite, et l'attira vers lui. Une petite brune, frêle, c'était une bonne proie.

Il cala son bras sous le menton de la fille, et dévissa le bidon d'essence de sa main libre. Il sourit à la fille, et lui susurra :

Ren riait toujours, il ne pouvait même plus arrêter. Il ne lui était même pas venu à l'esprit de se calmer, non. Il était haletant, et s'était fait frapper plusieurs fois, mais cela l'amusait toujours autant. Oui, sa respiration semblait décidée à ne pas retrouver un rythme normal, mais il trouvait ça plutôt drôle. C'était même terriblement drôle. Il avait été à deux doigts de tuer une femme. Il se voyait déjà en pensée laisser tomber son briquet sur elle, l'entendre hurler de douleur, se faire dévorer par les flammes. Oh oui, c'était bien dommage que la situation se soit retournée. Il mourrait d'envie d'entendre la voix perçante de la jeune fille se tordant de douleur, agonisant et se faisant transformer en une simple trainée de cendres. C'était tellement dommage .. Il arrêta de rire. Non, ce n'était pas marrant. Il avait menacé la vie de quelqu'un qu'il ne connaissait même pas. Il n'y avait qu'un explication. Ce n'était pas lui. C'était comme si tout l'incident s'effaçait peu à peu de sa mémoire pour refaire surface dans son sommeil. Enfin, c'était comme ça que ça se passait d'habitude. Il était là, en face de Kozue. Et de ce Takumi, qu'il connaissait à peine. Et de cette fille qui s'en allait en courant. Il y avait aussi cette autre, qui essayait en vain d'obtenir une réponse de Takumi. Mais surtout Kozue. Que faisait-elle ici ? Avait-elle assisté à toute la scène ? Et pourquoi est-ce que ... Une minute, Ren était en train de saigner, et la phalange de Takumi était encore rouge. Il s'était fait frapper. Cela expliquait la douleur au niveau de sa tempe, encore en sang. Il ouvrit grand les yeux, innocemment. Il ne comprenait plus rien. Et Kozue qui s'effondrait, qui hurlait après Ren, s'agrippant à ses vêtements, pleurant, lui demandant pourquoi. Mais pourquoi quoi ? Quelle était la raison de toute cette agitation ? Ren était complètement perdu. Rien n'allait plus. Le bruit de fond lui montait aux oreilles, et d'une minute à l'autre il savait qu'il tomberait au sol, inconscient. C'en était bien trop pour son cerveau. Il avait le regard vide, essayant de chercher du réconfort quelque part, mais tous semblaient contre lui. Tout le monde le regardait, comme un fou. C'était peut-être vrai après tout. Et Kozue qui continuait à lui poser cette question. Il tomba à genoux.

Il s'effondra lui aussi. Mais que se passait-il, à la fin ? Qu'est-ce qu'ils faisaient tous là, pourquoi était-il en sang, pourquoi Kozue pleurait-elle ? Rien n'était normal, non, il s'était forcément passé quelque chose ! Mais quoi ? Pourquoi Ren n'en avait encore une fois aucun souvenir ? Pourquoi est-ce que tout était si compliqué ? Une douleur le prit violemment dans le dos, amplifiant tout son sentiment de désespoir. Il ne pouvait pas tomber plus bas, non. Il était là, dans un état pas possible, devant Kozue, essayant de calmer ses pensées en vain. Sa respiration s'accéléra. l n'arrivait plus à laisser assez de place dans ses poumons pour respirer. De toutes façons, ça n'était pas essentiel, il pouvait bien mourir ici. Chaque inspiration lui déchirant les entrailles, l'expiration faisant deux fois plus mal, il s'allongea sur le dos, essayant de se calmer, mais rien n'y faisait. Il suffoquait de plus en plus. Son visage blêmissait au fur et à mesure que l'oxygène ne circulait plus, son coeur s'accélérant lui aussi. Tout était confus, il n'entendait plus distinctement le bruit de fond, mais seulement le bourdonnement incessant d'une abeille coincée dans son tympan. Il n'avait même plus la force d'inspirer tellement ça lui faisait mal, et il aurait prié à ce moment pour que quelqu'un lui vienne en aide. C'était seulement contre nature. Il avait fait quelque chose de mal, et il allait mourir ici, sur le sol bétonné, sous les yeux de Kozue.

Le monde semblait tourner sous les yeux de Ren. Cela faisait déjà plusieurs minutes qu'il s'efforçait de respirer, même si la douleur que cette action lui procurait était plutôt insoutenable, il ne voulait pas tomber dans le coma ici. C'était bien trop dangereux pour Kozue, qui était en train de se quereller violemment avec ... Une minute, avec son frère ? Un sentiment de culpabilité emplit Ren soudainement, il avait causé des ennuis à Kozue et à son frère sans même s'en être rendu compte. Maintenant ils hurlaient leur haine l'un à l'autre, se provoquant mutuellement, attendant que le premier faiblisse pour lui bondir dessus. Kozue lâcha la main de Ren pour se rapprocher de son frère, pour mieux l'atteindre dans la violence de ses mots. Ren commença à douter de lui même; était-il bien sage de rester avec Kozue ? Est-ce que ça continuerait si jamais il ne s'éloignait pas d'elle ? Après tout, il était dangereux. Même s'il ne savait pas vraiment ce qu'il avait fait, il savait que cela avait mit en péril l'amitié de ces jeunes gens. Il s'en voulait, il se maudissait jusqu'au dernier millilitre de sang coulant dans ses veines, oui, il n'aurait rien souhaité de mieux que son faible cœur corrompu s'arrête de battre à cet instant là. Non, il ne devait pas faire souffrir Kozue, elle lui était bien trop précieuse. Il devait s'éclipser d'ici, et ne plus jamais la recroiser. Mais c'en fut bien trop pour lui lorsqu'elle bondit sur Takumi. Il devait arrêter le mal qu'il avait créé. Il devait tout arrêter, c'en était bien trop pour eux tous. Il se releva, et attrapa Kozue par l'épaule. Frapper son frère ne la mènerait à rien. Il la tira en arrière pour qu'elle se relève.

Il la serra dans ses bras, même si cela ne servirait à rien, il voulait le faire. Il avait besoin d'elle contre lui pour ne pas retomber sur le sol et agoniser. Il voulait la serrer contre lui jusqu'à lui briser les épaules, ne jamais la lâcher, comme l'autre nuit. Mais voulait-elle toujours d'un fou dangereux qui ne se souvient même plus du mal qu'il fait ? Ne le trouvait-elle pas répugnant, ici, à l'avoir séparée de force de son frère, même si elle ne lui aurait fait aucun mal avec ses petites mains ? Il préférait ne même pas penser à ça, non, il voulait juste sentir la peau de Kozue contre la sienne.

Rien ne s'expliquait, finalement. Takumi et Kozue continuaient à se battre, de plus en plus violemment. Il se demanda s'il avait bien fait de les séparer. Il ne comprenait plus rien. Il avait provoqué une querelle entre les deux jeunes gens, et il ne se souvenait même plus comment; il ne se rappelait pas jamais avoir eu affaire à cette Chiyoko, qui avait quitté les lieux en ambulance. Il avait d'ailleurs hésité un moment quant à s'en aller dans le même camion, mais la perspective de se retrouver seul à seul, face à face avec elle ne l'enchantait guère. Il ne comprenait décidément plus rien. Il allait justement se rallonger sur le béton gelé pour essayer de se rafraîchir les idées lorsque Takumi le saisit vivement. Il le menaça de la faire brûler. Une voix à l'intérieur de Ren lui hurlait qu'il devait se défendre, récupérer son briquet, et le faire cramer ici, cet insolent, mais il n'arrivait même pas à bouger. Cet air innocent s'était fixé sur son visage, et sa conscience avait laissé un blanc derrière ses yeux qui ne brillaient même plus, comme un enfant devant un cadavre fraîchement tué. Il ne prit même pas la peine de répondre à Takumi, il se serait encore plus enfoncé, alors qu'il ne savait même pas ce qui s'était passé. C'était peut-être même mieux comme ça. Mais lorsque Takumi avait parlé de faire brûler, le cœur de Ren se révolta encore une fois, comme si on avait réveillé quelque chose en lui. Il avait frissonné, mais était arrivé à bloquer cette sensation au fond de son estomac, sans qu'elle ne pût faire surface. Il dévisagea Takumi sans ciller jusqu'à ce que ce dernier se décide à le lâcher. Il resta debout, un moment, sans faire aucun mouvement. Kozue se rapprocha soudainement de Takumi, lui cria que c'était de la faute de son père, que jamais il n'aurait dû faire d'autres enfants. Ren ressentit un coup de poignard dans le dos, encore cette culpabilité dont il ne se défaisait pas. Il marcha doucement jusque contre un mur, où il se recroquevilla sur lui même, ses genoux entre ses bras, comme un enfant qu'on vient de gronder.

Kozue retourna vers Ren. Elle lui prit la main. Cette main qui dégageait toujours cette étrange chaleur, cette chaleur qui fit revenir l'éclat dans ses yeux. Elle accorda même un sourire au jeune homme, qui n'en demandait pas plus pour être réconforté; il avait besoin d'elle, et il le sentait au plus profond de son âme. Il ne se souciait même plus de Takumi, tant qu'il avait le regard de Kozue plongé dans le sien, tout était bien. Il prit la main de Kozue et la posa sur sa propre joue. Oui, elle était bien là, en face de lui, il n'était pas en train de délirer bizarrement. Il voulait se raccrocher à quelque chose pour pouvoir rester sur Terre, et cette chose était en face de lui. Il prit une grande inspiration. Il espérait que tout s'arrangerait.

Mais il ne pouvait pas se défaire de ce sentiment immense de culpabilité, il sentait que tout était de sa faute, plus ou moins directement. Et même si avoir Kozue devant lui lui faisait le plus grand bien, il ne savait comment il pourrait se racheter pour ce qu'il avait « fait. » Mais il redoutait terriblement le moment où on lui expliquerait ce qui s'était passé, ce moment où il se dégouterait tellement lui même que jamais il ne pourrait se regarder une fois de plus dans un miroir. Il soupira longuement, la situation l'inquiétait vraiment beaucoup; il avait tellement peur de lui-même.